L'Europe Galante
Encore sous l'emprise de Lully, les héritiers du "prince des musiciens" perpétuent la tradition des fastueuses réjouissances versaillaises.
Les nouveaux tenants du pouvoir et la noblesse qui les entoure semblent avides de plaisirs au moment où austérité se conjugue avec misère sociale.
Illusion de bonheur, illusion d'insouciance, tel est l'esprit de la Régence.
Et tous ces arlequins, toutes ces colombines qui bercent une foule de jeunes princes et mécènes-financiers au rythme des gavottes, rigaudons et autres passe-pieds, défient la morosité dans les jardins dorés des châteaux et palais.
Et vivent les fêtes galantes! Et vivent les Folies Françaises!
L'heure est aux impromptus, aux idylles et autres divertissements dont raffole ce public nanti.
La mode est au portrait social, où il est bon ton de deviner quelle est la personnalité en vue qui se cache derrière un tableau dansé de Couperin ou une pastorale de Watteau...
Les titres à la fois évocateurs et poétiques des pièces pour clavecin sont d'authentiques études de caractères, et de La Fontaine à Rameau ou de La Bruyère à Couperin, c'est la société française toute entière qui est passée au peigne fin!
Connus sous le nom de "Grandes Nuits de Sceaux", les fameux "Divertissements" de la Duchesse du Maine font les délices de la jeune noblesse de la Régence. Symphonies de danses et opéras-ballets animent les fêtes de la Duchesse dont le musicien attitré, Mouret, devient le principal compositeur.
Campra réjouit son beau monde avec les danses de "l'Europe Galante". Couperin esquisse les portraits de nos voisins dans les "Symphonies des Nations". Tour à tour mondaine ou populaire, la musique s'affranchit peu à peu du joug de la domination lulliste et s'intéresse aux cultures des peuples hors de nos frontières.
Bref! Le Grand Siècle semble s'ouvrir en grandes pompes!
L'esprit de la Régence est celui de la fête. Les espoirs de la société se traduisent par des aspiration à la liberté voire au libertinage, à Paris comme en province.
Le goût du pastoral s'exprime dans la tranquillité heureuse des champs vouée aux délices de l'Amour.
Le "sentimental" d'une bergerie de Watteau trouve sa transposition musicale dans les "Vendangeurs", les "Moissonneurs" et autre "Musettes" d'un Couperin claveciniste.
Les gigues et contredanses des Suites pour orchestre de Rameau sont prétexte aux jeux de l'amour...
Ce que nous offre la pièce d'Eleanor Zeal, c'est bien ce climat d'effervescence sociale au cœur de Paris.
Nous nous sommes efforcés de suggérer, par la musique, une trame psychologique qui enveloppe le récit: le jeu, la frivolité dans les mœurs, les divertissements et la malignité du pouvoir...
L'histoire de ce Mr Law traverse le Paris fébrile de 1720 au son de quelques chansons en forme de java, de valse-musette et de ballade écossaise.
Cependant, cette frivolité apparente masque à peine l'atmosphère d'inquiétude générale de ce petit peuple parisien.
Des mélodies aux contours plus tourmentés nous préparent à un dénouement dramatique qui fera, alors, tomber l'illusion.
Jean-Luc Muller